Pim, pam, poum (et trois et quatre, on recommence)...
Peu importe l'heure, il fait presque jour, juste les volets entrouvert. Les yeux qui papillonnent, l'absence d'effet des médocs ou le chien qui s'agite.
Ce qui semble le matin. Tu exécute ton rituel, pareil, identique, le café qui coule dans le mug rouge de la merveilleuse Laurianne, le bip de l'ordi qui boot, le chien qui bouffe ses croquettes à grands bruits, le regard flétri. Un demi sucre, une dosette, regarder le temps par la fenêtre.
Se gratter le bide, la bite à l'air et se dire que les voisins n'ont qu'à pas t'observer.
Tu ne regardes pas ta montre, mais juste aux sons au travers du double vitrages, à ton besoin de caféine, tu sais l'heure, le moment, le temps, maintenant.
Pim, pam, poum (et trois et quatre, on recommence)...
Retrouver tes fringues, les sentir, pas savoir s'il faut encore les porter. S'en foutre. Trouver absolument des chaussures, tes Docs, pour pas encore pisser le sang à chaque pas, les débris de verres, les assiettes détruites, les résidus, les trente centimètres qui dissimulent ton parquet. Les traces noirâtres, c'est juste ton sang coagulé, des caillots, des morceaux de chairs pas encore bouffé par la vermine.
Pim, pam, poum (et trois et quatre, on recommence)...
Les onglets d'internet qui s'ouvrent dans le bon ordre. Les vidéos de chatons, les propos engagés, les posts enragés, tes réponses sans aucun sens, merde, j'avais encore bu combien hier...
Le chien qui pose sa tête Walt Disney, sur ta cuisse pour demander des restes.
Des mails qui me font gagner des millions, des centimètres de bites, des téléphones et aucune nouvelles de toi.
Malgré tes milliards de promesses. Marie.
Encore un café, avec le chien qui zigzague entre tes jambes, pour se faire comprendre.
Essayez de se motive pour faire des trucs, le corps brisé, compter les canettes, les secouer pour voir s'il reste du liquide. Le front lourd.
S'hasarder de recomposer la soirée, avec des débris d'indices, les messages sur le portable, les SMS, les mots sur FB, les trucs dans les poches. Ce genre d'enquête quotidienne.
Le chien qui insiste, alors que tu regardes ce que tu vas télécharger pour ce soir, dans la journée.
Cinq étages à descendre et surtout pas prendre les poubelles qui s'accumulent. Dire un baragouin à mi-mot au voisin qui te salue, car tu sais pas encore le ton à employer. Ne jamais croiser la voisine, de toute façon, jamais savoir quoi lui dire, sauf des bouts de syllabes. Tu pourrais être son père !
Debout, dans le parc, t'as hélé les SDF du coin et refusé poliment leur bière, tu leur file du tabac,
Les potes de chiens arrivent, tu ne sais pas quoi dire. Ils partent dans un mauvais résumé de leur soirée télé, une récitation faussée des infos du jours, tu relèves pas.
Ton cerveau compte les voitures qui passent, le nombre de passants. Le cheveu blanc sur la veste de ton voisin.
Tu vois tout, tu dis rien.
Tu sais ce qu'on dit pas, tu voudrais dire ce qu'il se passe, mais tu veux pas être intrusif. Ton cerveau compte les détails qui ont changés, le nombre de fleurs aux balcons, les voitures garées dans la rue. Tu trouves bien quand c'est par ordre de couleurs, rouge, orange, jaune. Les autres parlent, de la météo, de la délinquance, ils récitent et n'auront jamais la moyenne.
Pim, pam, poum (et trois et quatre, on recommence)...
Le déficit de l'attention latente, c'est que tu espères. Ce que tu as lu dans ce genre de bouquin à la con. Pas entendre les klaxons, le vol des pigeons, le cris des chiens, etc. Le nombre de fenêtre dans cet immeuble, les tas de trucs que personne ne perçoit.
Entendre, le premier genre de connaissance de Spinoza, l'habitus de Bourdieu, le nihilisme de Nietzsche et dire que merde, t'es juste un con d’intello à la con.
Retour au rituel, le repas, avec les couleurs qui ne doivent pas se toucher, les tomates à part des courgettes, du riz, etc. Mangez un bon million de fois le même repas, car c'est rassurant.
Regardez avec ostentation le pourcentage de téléchargement de chaque série. 78%, 79%..
Profitez du silence des voisins au travail ou mettre du métal. A fond.
Les mêmes programmes radios et se sentir dérangé le week-end, quand ça change. Se demander comment j'ai pu faire pendant ses années de boulot et sourire de ne plus à avoir à le faire.
Pim, pam, poum (et trois et quatre, on recommence)...
C'est une chorégraphie invisible, les mêmes gestes, le même ton, le bon tempo, même faire pipi. A la seconde près, le rêve d'un sniper, d'un petit gars du FBI. Un changement et ma journée est en l'air.
Et faut ressortir le chien, redire bonjour aux SDF qu'ils ont oubliés ton passage, refiler encore du tabac et prendre une bière. Réécouter les histoires, réchauffées, cramés, brûlés de l'avant veille. Leur aventure, alors qu'ils passent leur temps sur ce banc.
Ton cerveau compte les mots, le pas des gens en fond, les trams, etc. Déduis, réduis, compte, additionne, soustrait, etc.
Tu sais où est ton chien à se barrer dans le quartier, tu composes une nouvelle, tu te souviens d'un aphorisme de Nietzsche, tu comptes encore n'importe quoi et tu écoutes les nouvelles du monde.
Tu sais pas quoi répondre, tu aimerais parler de ce qui t'arrive, de tes maladies, de tes envies et tu demandes comment les gens vont. Tu relances de dix, et te couche quand tu penses que ton chien peut rentrer.
Purée, tu aimerais tant tenir dans tes bras cette fille, ce gars, qu'il ferme sa gueule, on s'en fout de son brouhaha, ses petits malheurs, merde, juste être là ! Pendant, une minute pleine ! Dans nos bras, se relacher, vivre et écouter nos cœurs bancals, pas bien réglés, déphasés ?
Tu n'as jamais parler de ta gueule, de toi, tu as écouté avec attention, tu attendus ton tour de paroles, il n'est pas arrivé. Il aurait fallut lever le doigt, t'agiter, faire le malin...
Tu as compté des tonnes de trucs.
Tu as minuté chaque instant, espéré que rien ne change, tu as réussit ta choré, ton petit numéro. Fais croire que tout va bien, que demain sera pareil.
Tadam, c'est un bon numéro de magie ! Tu disparais à la fin !
Hop, regardez le chien, je suis pas là...
Pim, pam, poum (et trois et quatre, on recommence)...
Parlez, j'écoute, je suis pas là ! Je compte des trucs !
Je suis jamais là, je ne sais pas être au monde !
Pouf !